Extrait d'Une utopie réaliste


Comment mettre en place une société où les échanges de compétences et de savoir-faire, la création et l'engagement social et politique seraient rémunérés par un revenu de type revenu universel ? Dans cet ouvrage, le financement, la mise en place et les répercussions indirectes de cette mesure sont évoqués.


Introduction


"L'homme raisonnable s'adapte au monde alors que l'homme déraisonnable persiste à essayer d'adapter le monde à lui-même. En conséquence, tout progrès ne peut venir que de l'homme déraisonnable."

George Bernard Shaw, Man and Superman (1903)


Nous sommes en crise et nous sommes les seuls à pouvoir nous en extirper.

Quand je dis "nous", je veux dire : vous, lecteurs, et moi, l'auteur. Nous, quoi.

Les financiers sont pieds et poings liés, comme tous les décideurs, hommes d'affaires, politiciens et institutions. Dans le système actuel, nous travaillons pour des entreprises que les investisseurs mettent sous pression pour qu'elles rapportent plus d'argent à leurs clients, des assurances, notamment, dont nous sommes nous-mêmes les clients si nous détenons des assurances-vies. Nous sommes donc mis sous pression dans les entreprises, de manière à avoir des assurances-vies plus rentables. Bien sûr, quelques richissimes groupes d'intérêts se servent aussi au passage, et ils ont bonne conscience, car ils sont persuadés de nous rendre service.

Ce qui est certain, c'est que notre salut, et celui de toutes les autres espèces en danger, ne viendra pas des personnes qui profitent le plus du système, alors retroussons-nous les manches, nous, simples citoyens.

Tout le monde dit que nous vivons l'effondrement du capitalisme et qu'il faut reconstruire une société basée sur un nouveau modèle, mais les personnes au pouvoir n'ont pas intérêt à proposer du neuf, car ils auraient tous des avantages à y perdre. Seul le citoyen lambda, passablement agacé et ruiné, peut être assez motivé pour tout changer, si toutefois, il cesse de penser que ce sont ses parents symboliques, les représentants de l'ordre établi, qui vont s'en charger. Notre avenir est dans nos mains et contrairement à ce que vous pensez, le pouvoir l'est aussi.

Nous ne supportons plus l'idée de n'avoir rien à répondre quand nos enfants nous demanderont ce que nous avons fait à un moment charnière où le bon sens et l'humanisme cédaient le pas face à des bureaucratisations anti-démocratiques et à de puissants intérêts minoritaires. Le but de cet ouvrage est d'aller au-delà du simple constat pour recenser tout ce qui peut être fait, concrètement, de manière à éviter de nous gâcher la vie. Ce n'est que si nous concevons un nouveau modèle qui pourrait répondre à nos aspirations humaines les plus profondes, que nous le ferons émerger. Il n'arrivera pas tout seul, sous le simple stimulus de nos soupirs exaspérés. Le monde ne changera pas sans nous, et notre indignation ne suffit pas.

Ronchonner contre une situation procure, certes, une sensation de satisfaction qui sert à renforcer notre image de nous-même, à nous donner un sentiment de haute valeur morale qui nous console et nous valorise, mais elle ne résout rien. Ce livre s'adresse à tous ceux qui sont conscients que l'émotion ne peut suffire.

Nous ne vivons pas aujourd'hui une crise financière mais une crise psychique, qui implique de pouvoir dépasser nos horizons habituels, et dont l'issue impliquera nécessairement chacun, à de multiples niveaux. Or qui, aujourd'hui, propose un nouveau modèle qui prenne en compte les réalités de la mondialisation des échanges, notamment financiers ? Qui dépeint une alternative socio-économique qui satisferait autant les plus compétitifs, que les plus égalitaristes ? Les écologistes, le Modem, les gens du Parti de Gauche et l'extrême gauche passent plus de temps à critiquer le modèle actuel qu'à montrer concrètement comment la société pourrait fonctionner autrement dans un monde globalisé qui ne permet pas un certain nombre de mesures qu'ils proposent. Quant aux autres partis, ils se ravissent du status quo, quelles que soient les injustices et la paupérisation engendrées. Pour eux, ce système est imparfait, mais c'est le meilleur : il s'agit sans doute d'un manque d'imagination de leur part.

Y a-t-il réellement, une alternative?

Pouvons-nous relever le défi de proposer une nouvelle vision, globale et cohérente?

Qui va au bout de sa proposition d'un modèle social et économique différent? Si l'on ne veut plus d'entreprises gouvernées par des actionnaires cupides, si l'on ne veut plus d'une mondialisation qui continue d'accroître la famine, d'une production qui pille les ressources, comment faisons-nous, concrètement, pour changer les attitudes qui nous ont amenés là ?

Quels sont les risques d'un changement de modèle ? Car il y en a et ils sont bien réels.

Les capitaux sont très sensibles à la peur or toute transformation radicale effraie. La France, comme de nombreux pays a besoin de capitaux étrangers pour payer ses dépenses, s'ils partent, l'état est en faillite (on a vu les exemples de la Grèce récemment, ou de pays d'Amérique du Sud et de la Thaïlande dans les années 90), les salaires des fonctionnaires ne peuvent plus être payés, nous n'avons plus de chauffage, ni d'essence, nous sommes ruinés. Nos choix sociaux intérieurs sont, donc, devenus dépendants de l'image qu'il nous faut donner de nous-même à l'étranger. Nous n'avons en conséquence pas d'autre choix que d'imaginer un système mixte, ou bien un passage lent d'un modèle de société à l'autre. Les idéalistes, les intellectuels et toutes les personnes qui souffrent du système actuel ont un rôle important à jouer car ce ne sont pas des députés aux salaires confortables qui ont intérêt à faire évoluer la situation d'aujourd'hui.


Les freins actuels aux changements proposés sont nombreux : la puissance des groupes d'intérêts qui bénéficient du système actuel, l'imbrication des intérêts3, les habitudes, la docilité des masses, la peur de l'inconnu. Que se passera-t-il si nous changeons l'ordre économique que nous avons et dans lequel tout est en telle inter-dépendance? L'erreur actuelle est que personne n'ose concevoir un modèle global qui reflète les aspirations actuelles des citoyens, dans leur globalité. C'est ce que nous allons essayer d'entreprendre ici. Aucun modèle n'est parfait et celui-ci ne le sera pas plus, mais pour nous motiver à oser, évoquons un instant ce qui se passera si nous ne faisons rien.

Nous aurons une pollution insupportable pour nos organismes, à cause de notre production à outrance et sans égard pour les cycles naturels. Nous mourrons d'empoisonnement dans des douleurs violentes, et nos enfants avant nous, bien sûr, puisqu'ils sont plus fragiles. Nous serons affamés, car les vivres seront devenues si rares et si chères, en raison de la pollution et de la surexploitation des sols, que toute la planète se les arrachera. Les relations continueront de se tendre au niveau interpersonnel, chacun se sentant épuisé par ses conditions de travail tendues, et amer de se sentir sans cesse manipulé, berné, pour acheter ou produire plus. Nous aurons des psychismes détraqués par les drogues, les additifs, les pesticides, le stress, le manque de nourriture saine. Sur de nombreux points, nous en sommes, d'ailleurs, déjà là et pourtant, tout cela peut-être enrayé avec un peu de bon sens, de vision et de courage au niveau individuel.

Plus nous nous y prendrons tard et plus ce sera difficile d'éviter d'autres fléaux liés à la surexploitation des ressources, au profit de peuples en ayant déjà assez pour bien vivre, quand d'autres peinent à survivre.

Il faudra polliniser les arbres fruitiers à la main, fleur par fleur, les abeilles ayant disparu sous l'effet de la pollution. Nous aurons toujours plus de terrorisme en raison des injustices que notre système permet. Nous aurons des guerres de religion entre intégristes évangélistes et islamistes, ces derniers tirant leur puissance de la diabolisation facile des puissances occidentales profiteuses et sans honte. Nous serons dominés par des systèmes totalitaires, le monde entier ayant en grande partie été racheté, par capitalisation de ses dettes, par la Chine et l'Arabie Saoudite...


Oui, nous savons vers où nous allons si nous ne faisons rien, à nous de voir si la certitude d'un avenir sombre vaut mieux que prendre le risque d'échapper à ce cauchemar en ouvrant de nouvelles voies, dont certaines seront peut-être, en effet, des impasses. Ce livre est là pour nous aider à envisager, le plus globalement possible, les implications d'un nouveau paradigme. Les propositions morcelées, limitées à certains domaines, ne permettent pas une refonte suffisante. Nous devons aborder le changement de manière globale pour faire apparaître de nouveaux équilibres entre ces champs traditionnellement traités de manière séparée.


Notre société nous a appris à être passifs devant nos télévisions et dans notre confort suffisant, alors nous n'avons pas envie, et plus l'habitude, de prendre des risques autrement que pour un profit personnel immédiat. Etre proactif, regarder loin, partout autour de soi, agir en se regroupant, partager, coopérer : nous ne savons plus faire cela. Cependant si l'on s'y essaie, on s'aperçoit que même si cela requiert quelques efforts, c'est une grande source de plaisir car on rencontre alors d'autres visionnaires, généreux, bon vivants, et que l'on A nous de changer d'attitude assez vite pour éviter les catastrophes qui se profilent. Nous avons un vague sentiment que quelqu'un d'autre prendra la bonne décision pour nous, et qu'il suffit de ronchonner dans notre coin pour exprimer notre désapprobation... mais il n'y a personne qui l'écoute. Chacun doit, à son niveau, même minime, impulser le changement.


La majorité des gens en position d'avoir un impact considérable sur le monde a encore assez de confort et de luxe pour le moment et veut juste profiter de ses avantages. Les discours alarmistes leur paraissent lointains et abstraits et ne pas les concerner directement. Il s'agit d'un manque de discernement de leur part. Les enfants indiens et africains meurent de faim par millions4, la famine progresse à nouveau dans le monde, mais l'idée que tout cela est directement lié au mode de vie occidental ne les effleure pas. Ils ne voient pas la colère qui gronde sous la forme de fanatismes bien aussi fous que celui des Nazis des années 305.


Le plus grand danger pour notre planète est que les citoyens des pays riches, qui pourraient faire pencher la balance du bon côté, restent dans cette inconscience confortable jusqu'au moment où ils seront eux-mêmes paupérisés car alors ils n'auront plus les moyens de renverser la vapeur et l'asservissement mondial généralisé s'amplifiera.


Face à ces freins, nous pouvons poser des actes concrets.

Faisons émerger une vision d'un monde vivable et plaisant : n'ayons pas peur d'être utopistes ! D'ailleurs, au fur et à mesure que j'écrivais cette utopie, je m'apercevais qu'elle se réalisait déjà, que partout le monde bougeait dans son sens, qu'elle n'a besoin que d'être portée par de plus en plus de citoyens pour se réaliser.


Il y a encore beaucoup à concevoir et beaucoup à réaliser et je ne ferai pas le travail toute seule, mon cher lecteur, vous devez coopérer, agir de votre côté et aussi pourquoi pas, m'écrire et commenter mes propositions. Ecrivons cette utopie à cent, à mille, à dix mille personnes, chacun enrichissant cette proposition de départ par les siennes. Il est nécessaire que nous aboutissions à une vision la plus exhaustive possible des implications que les changements proposés pourront avoir dans tous les domaines. Décrivez quels impacts, positifs et négatifs, la nouvelle organisation que je propose aura. Envoyez vos remarques et vos propres propositions, évoquez les domaines que j'ai omis de traiter. Développons ensemble un nouveau modèle, améliorons-le, affinons-le, comme un bon fromage qui vieillit, et finalement, donnons réellement vie à ce projet mutuel.

Si nous nous autorisons à réfléchir à ce que devrait-être le but de la société, nous découvrons qu'il existe un modèle alternatif simple.


3 Par exemple, la Chine détient assez de dollars américains pour mettre les Etats-Unis en faillite si elle les revendait du jour au lendemain, mais comme ils sont son premier acheteur, elle n'a pas aujourd'hui d'intérêt à le faire.

4 En 2006, on estime que plus de 36 millions de personnes sont mortes de faim. Wikipédia

5 J'ai écrit ces mots en 2011. A l'époque ces fanatismes étaient bien plus discrets.


© 2017 Anne-Marie Estour. Tous droits réservés. Crédits photos Anne-Marie Estour et Webnode
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