
Quand la musique isole, 'zole, 'zole
Hier j'assiste à un bal. J'y retrouve un jeune homme récemment rencontré et qui ne connaît encore que moi sur la ville. Malheureusement le son est si fort qu'il est quasi-impossible de lui parler. Deux amis arrivent et je suis ravie de les voir mais je dois crier dans leurs oreilles pour me faire entendre alors nous n'échangeons que quelques phrases : trop fatigant. Pourtant cela fait longtemps que je n'ai pas vu l'un d'eux et nous aurions plein de choses à nous dire. Ils ont des points communs évidents avec le jeune homme, en plus, alors en temps normal je ferais les présentations, mais là c'est inenvisageable. Il y a aussi une dizaine de personnes que je connais de loin, professionnellement ou par mes activités, et cela me ferait plaisir d'avoir de leurs nouvelles, mais c'est impossible : nous ne sommes pas assez intimes pur que j'aille leur crachoter dans les oreilles en postillonnant éventuellement un virus.
Combien de vieilles dames esseulées auraient pu bavarder si le son avait été moins fort ? Combien de liaisons amoureuses débutées? Combien de liens utiles sur le plan professionnels noués ?
Mais il était plus important de montrer que le matos avait de la puissance. Il était plus important de satisfaire une minorité de jeunes angoissés qui ne se sentent vivre que quand le son fait vibrer leurs tissus organiques comme lorsqu'ils étaient foetus. Ou simplement ni l'élu, ni l'ingénieur du son, ni le groupe qui jouait n'a réfléchit à la fonction sociale du bal.
Et les participants sont repartis seuls, avec pour certains, peut-être, en plus, des acouphènes à vie.
Les bals et les danses en groupe ont joué un rôle essentiel dans presque toutes les sociétés. Un excellent documentaire sur leur histoire rappelle qu'ils ont disparu après la guerre quand les jeunes se sont mis à danser le rock dans des clubs, puis le disco et qu'ils ont alors cessé de jouer un rôle majeur de liant intergénérationnel et social.
Cet espace de mixité a d'urgence besoin d'être remis au goût du jour à un moment où même des personnes sociables et de bonne compagnie se replient sur elles-mêmes et s'isolent -- suite au Covid et au manque de civisme généralisé mais aussi par épuisement d'avoir trop à gérer et faute d'opportunités de rencontres vraies -- .
Créer du lien, se parler, se toucher mais aussi bouger et sautiller est essentiel tant sur le plan de la santé physique et psychique que du point de vue de l'empuissancement citoyen car quand on se parle, on partage ses constats et on peut ensuite créer des collectifs ou des groupes de pression capables de moduler le pouvoir des capitaux.
Alors militons pour des bals, des concerts et des événements festifs où l'on s'entende - au propre comme au figuré -- .